Trinité de Andrej Rublev
Dans son beau livre “L’art de l’icône” ou “La théologie de la beauté”, Paul Evdokimov nous dit :
Tempera
50 x 60 cm
Collection privée
2011
… “Selon saint Maxime le Confesseur, l’achèvement de la première beauté dans la Beauté parfaite se pose au terme et reçoit le nom du Royaume.
La Tradition apporte ici une précision importante. Un grand spirituel du IVème siècle, Evagre, en commentant la variante du Pater dans l’Evangile de Saint Luc où à la place du “Règne” on lit “que Ton Esprit Saint vienne”, dit : “Le Règne de Dieu, c’est l’Esprit Saint, nous prions le Père qu’il le fasse descendre sur nous”; en accord avec la Tradition, Evagre identifie ainsi le Royaume et l’Esprit Saint.
Si donc le Royaume contemplé est la Beauté, la Troisième Personne de la Trinité se révèle Esprit de Beauté. Dostoïevsky l’a bien compris : “L’Esprit Saint, dit-il, est la saisie directe de la Beauté”, il communique la splendeur de la Sainteté. C’est pourquoi, selon saint Grégoire Palamas, au sein de la Trinité, l’Esprit est “la joie éternelle… où les Trois se complaisent ensemble.” La célèbre icône de la Trinité de Roublev nous offre la vision saisissante de cette Beauté divine.
Le dogme trinitaire explicite : si le Fils est la Parole que le Père prononce et qui se fait chair, l’Esprit la manifeste, la rend audible et nous la fait entendre dans l’Evangile, mais lui-même reste caché, mystérieux, silencieux, “il ne parlera pas de lui-même” (Jn 16, 13). Sa personne se dissimule dans son épiphanie même : “Ton Nom tant désiré, et constamment proclamé, nul ne saurait dire ce qu’il est.”
Son oeuvre propre en tant qu’Esprit de la Beauté est une “poésie sans parole”. Par rapport au Verbe, l’Evangile de l’Esprit Saint est visuel, contemplatif. Dans ses révélations, il est le “doigt de Dieu” qui trace l’Icône de l’Être avec de la Lumière incréée. Au seuil de l’indicible Sagesse de Dieu, il fait contempler la Beauté sophianique du Sens et le construit en Temple cosmique de la Gloire.
“Ce que la parole dit, l’image nous le montre silencieusement”, “ce que nous avons entendu dire, nous l’avons vu”, disent les Pères du septième Concile au sujet de l’icône. Or, si “Personne ne peut dire : Jésus est le Seigneur! si ce n’est par l’Esprit Saint”, personne ne peut représenter l’image du Seigneur, si ce n’est par l’Esprit Saint.”…
“L’art de l’icône” ou “Théologie de la beauté”, Paul Evdokimov, Desclée de Brouwer, pp. 12-13.
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