Cahier 2 – Sainte LUCIE – SYRACUSE – (IV éme Siècle) – (34)
13-12-2014
CAHIER 2
SAINTE LUCIE (IVe s.)
Samedi de la 2e semaine de l’Avent
Lucie est une vierge martyre de SYRACUSE, qui dut périr dans les années sanglantes de la persécution de Dioclétien. Les Siciliens ont porté à travers le monde le culte de la sainte au nom de lumière.
Lux-lucis : lumière Phos en grec
Ste Lucie, St Luc
Apprenant aujourd’hui que Sainte Lucie est en relation avec la Sicile et SYRACUSE, je me rends compte qu’elle est donc aussi en relation avec « Les Centuries »…
Soit le travail concernant les tyrans de Sicile etc… et particulièrement ici le quatrain :
Centurie 10
Quatrain 63
« Cydron, Raguse, la cité au sainct Hieron,
Reverdira le medicant succours,
Mort fils de Roy par mort de deux heron,
L’Arabe, Ongrie feront un mesme cours. »
Cydron, Raguse de Sicile conduit à Cy-Raguse donc à la ville concernant de près Sainte Lucie…
Qui devient par là-même la « Cité au sainct Hieron », donc, de la sainte doublée du grec « Hieros » dans Hiéron…
Comme elle est la Patronne des aveugles, vu que ses bourreaux l’ont énucléée, il pourrait y avoir également relation avec le quatrain :
Centurie 8
Quatrain 5
« Apparoistra temple luisant orné,
La lampe et cierge a Borne et Bretueil:
Pour la lucerne le canton destorné,
Quand on verra le grand coq au cercueil. »
Où apparaît notamment LUCERNE donc peut-être Sainte LUCIE et lampe cierge (ciego-aveugle en esp.) Borne à qui il manque un G…
Dans un contexte de lumière : AppaROIstra temple luisant orné = apparaitra par ROI le Temple de Salomon et le roi David (Clavis David-Clé de David) où le « temple symbolise la « shekina » (v. Corbin) c-à-d la Présence lumineuse divine… Donc, tous ces termes sont des termes de Lumière : apparaître, Temple , luire, orné = OR-Né = né de l’Or (du soleil levant).
Le second verset contient LAMPE et CIERGE, a BORNE = ab OR-né (encore cet or né…) et Bretueil , donc deux rimes sonnant en ŒIL, organe de la vision et du martyre de sainte Cécile … AB ORNé viendrait alors, si je ne me trompe, du latin ab = retirer, donc retiré l’ornement des yeux (UEIL-ŒIL) signifie le type de martyre de sainte LUCIE…
Elle arrive juste après (éborgnée) dans le troisième vers en LUCERNE, donc, LUCE = LUCIE, dont on ne voit plus que les cernes…
Et également juste à sa suite : le canton destorné devient alors : le canton d’EST OR-né… c-à-d, le pays de l’Est qui s’orne d’OR du Soleil Levant…
Canton d’ailleurs bien mis en évidence par sa majuscule et par sa répétition dans le dernier vers : Quand on verra = CANTON verra !
Verra , bien sûr, de VOIR cet aveuglement …
Le grand coq, symbole de lumière… naissante de l’ »AVENT »…
Et sa contrepartie obscure de la naissance du Soleil : CERCUEIL …
Icic encore, on pourrait extraire, en bon alchimiste, de l’OR, des rois, l’aurore et l’œuvre au noir de cercueil, mais aussi de Borne indiqué avec majuscule, donc, remarquable, si nous le traduisons par « TO BORN » soit la naissance du Soleil-OR et son contraire, mourir, suggéré par le cercueil…
Voir mes autres travaux sur ce site (ainsi que BEL-ŒIL)… etc.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte-Lucie_(f%C3%AAte)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lucie_de_Syracuse
Cependant, dès le premier quatrain, on parle de Lumière…
Centurie I
1.
Estant assis de nuict secret estude,
Seul, reposé sur la selle d’ærain.
Flambe exigue sortant de sollitude,
Fait prosperer qui n’est à croire vain.
Flambe est associée à la lumière de la bougie ou du cierge, mais aussi
De la flamme… et accompagné également de le nuit obscure et du secret non dévoilé…
Toujours cette bipolarité…
Et dans la liturgie du jour nous trouvons la « Lecture du livre de Ben Sira le Sage, 48, 1-4.9-11
« En ces jours-là, le prophète Elie surgit comme un feu, sa parole brûlait comme une torche. Il fit venir la famine sur Israël, et, dans son ardeur, les réduisit à un petit nombre. Par la parole du seigneur, il retint les eaux du ciel, et à trois reprises, il en fit descendre le feu.
Comme tu étais redoutable, Elie, dans tes prodiges ! Qui pourrait se glorifier d’être ton égal ? Toi qui fus enlevé dans un tourbillon de feu par un char aux coursiers de feu… »
J’indique en gras, tout ce qui concerne le feu et la lumière (7 fois)…
Et ensuite
L’Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 17, 10-13 :
« Descendant de la montagne, les disciples interrogèrent Jésus : « Pourquoi donc les scribes disent-ils que le prophète Elie doit venir d’abord ? » Jésus leur répondit : « Elie va venir pour remettre toute chose à sa place. Mais, je vous le déclare : Elie est déjà venu ; au lieu de le reconnaître, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Et de même, le fils de l’homme va souffrir par eux. » Alors les disciples comprirent qu’il leur parlait de Jean le Baptiste. »
Ainsi donc, la Lumière et la flamme nous reconduisent à Jésus…
Et la phrase : « Jésus leur répondit : « Elie va venir pour remettre toute chose à sa place. » est commentée comme suit dans la méditation du jour du Magnificat n° 265, p. 180-181, dont sont tirées ces citations.
Des clés pour ouvrir les écritures
Origène voit dans le Christ la « clé » des Ecritures et rapporte à ce sujet une tradition juive :
« Il existe une très jolie tradition juive sur la divine Ecriture dans son ensemble, que nous a transmise un Hébreu. A ce qu’il disait en effet, toute l’Ecriture divinement inspirée ressemble, en raison de l’obscurité qu’il y a en elle, à une maison aux multiples pièces, toutes fermées ; près de chaque pièce est posée une clé qui n’est pas la sienne, et ainsi les clés sont éparpillées entre les pièces sans qu’une seule corresponde à celle près de laquelle elle est posée ; et ce n’est pas une mince affaire de trouver les clés tout en les faisant correspondre aux pièces qu’elles peuvent ouvrir ! Si l’on veut comprendre aussi ce que les Ecritures ont d’obscur, disait-il pour finir, on ne commencera pas à comprendre autrement qu’en les lisant les unes par rapport aux autres, parce qu’elles recèlent en elles-mêmes, éparpillée, l’explication.
A mon avis, en tout cas, l’Apôtre suggère le même type de méthode pour entrer dans l’intelligence des paroles divines quand il dit : « Nous parlons dans un langage que nous n’apprenons pas de la sagesse humaine, mais que nous apprenons de l’Esprit, en comparant le spirituel au spirituel » (1 Co 2, 13).
Origène
(Traduction inédite de Guillaume Bady pour « Magnificat »
Origène (+ v. 254, prêtre né à Alexandrie, penseur et spirituel éminent, fut le plus profond exégète de l’Antiquité chrétienne.
Voici donc décrite une méthode qui pourrait bien nous servir pour la lecture obscure de nos « Centuries » !
Et qu’Yvo de Lessinis connaissait bien !
Qui ne connaissait pas ORIGENE à son époque ?
D’ailleurs, si nous reprenons notre premier quatrain cité ci-dessus :
Centurie 10
Quatrain 63
« Cydron, Raguse, la cité au sainct Hieron,
Reverdira le medicant succours,
Mort fils de Roy par mort de deux heron,
L’Arabe, Ongrie feront un mesme cours. »
Ne voyons-nous pas que « l’Arabe, Ongrie » signifie :
ONGRIE = anagramme de ORIGENE !
Donc : L’ AR ABE ONGRIE = L’ART AB ORIGENE,
L’ART (VENANT D’) ORIGENE… et plus :
Puisque suit, dans ce vers : feront un même cours !
Donc, une Méthode de lecture !
Encore une fois, tous cela est en relation avec mes travaux précédents concernant les grandes « Ô » de l’Avent dont la centrale des sept « Ô » est
« Clavis DAVID » soit la CLE de DAVID
« Ô Clé de David, ô Sceptre d’Israël,
Tu ouvres, et nul ne fermera,
Tu fermes, et nul n’ouvrira :
Arrache les captifs au ténèbres,
Viens, Seigneur, viens nous sauver ! »
Voir Cahier 1
Francis
Cahier 1 – GUERRIC d’IGNY – Avent – Centuries ( 33)
13-12-2014
CAHIER 1
AVENT
Dimanche 7 décembre 2014 – Méditation du jour
Préparez le chemin du Seigneur !
« Préparez le chemin du Seigneur. » Le chemin du Seigneur, frères, que l’on nous ordonne de préparer, c’est en marchant qu’on le prépare, et en le préparant qu’on y marche. Et même si vous y avez fait beaucoup de progrès, il vous reste toujours à le préparer en quelque chose, pour qu’en repartant du point où vous êtes parvenus, vous preniez votre élan vers ce qu’il reste à parcourir.
Ainsi, à chacun de vos progrès, le Seigneur qui vient et auquel vous préparez le chemin se portera à votre rencontre, de mieux en mieux et comme pour la première fois. Le juste a raison de prier ainsi : « Enseigne-moi, Seigneur, ta loi et le chemin de tes volontés, et toujours j’en ferai mes délices. » Peut-être l’appelle-t-il « voie éternelle » parce que si la Providence a prévu pour chacun un chemin, et établi un terme à atteindre, il n’y a cependant pas de terme à la naturelle bonté de celui en qui vous progressez.
Aussi, le voyageur sage et courageux, quand il aura été jusqu’au bout du chemin, reprendra alors le départ; de telle sorte qu’oubliant ce qui est en arrière, il se dira chaque jour à lui-même : « Maintenant, je commence ! »
Bienheureux GUERRIC d’IGNY
(Traduction inédite par Max de Longchamp pour Magnificat)Né vers 1087 à Tournai, le bienheureux Guerric (+ 1157), ami de saint Bernard, fut l’un des piliers du mouvement cistercien. Ses cinquante-quatre sermons, destinés au chapitre du monastère d’Igny, montrent l’éducateur qu’il fut pour ses frères.
Comme tropaire de ce même dimanche en prière du soir, nous avons :
« Saisis de Joie, vous demandez :
« Quel sera cet enfant ? »
C’est lui le Messager de la grande espérance ;
Accueillez-le de la part du Seigneur :
Il vient TRACER le chemin de l’Epoux
Et préluder au chant des Noces. »
Cela me rappelle deux de mes travaux concernant les « Centuries »…
Les « grandes Ô de l’avent » et les « traces, strasse, etc. »
Guerric d’Igny, originaire de Tournai, ami de saint Bernard, antérieur à Yvo de Lessinis, n’a pas dû rester sans « TRACES » ni « Signes » dans l’esprit de ce dernier cité, abbé cistercien… (voir mon site : 06-100 ESTO Texte Latin (remanié) liaison avec H. Corbin.docx (31) et 20-les tras -traces. -thraces.docx (32)
« Biographie
Formation et premières années
Né à Tournai le jeune Guerric reçut sa première éducation à l’école cathédrale de Tournai, presque certainement aux pieds d’Odon de Tournai qui de 1087 à 1092 en était l’écolâtre. Il est possible que Guerric ait été lui-même écolâtre à Tournai entre 1121 et 1125.
Attiré par un style de vie plus solitaire, Guerric se retire dans une petite maison près de l’église de Tournai. Il passe son temps à la lecture, la prière et la méditation. Par un ami il entend parler de Bernard de Clairvaux, passé récemment en Flandre. Cela le décide à faire un voyage à Clairvaux. Il ne semble pas que sa première intention ait été d’y entrer comme novice. Bernard le convainc cependant à rester à Clairvaux (1126).
Dès son noviciat, il est remarqué par Saint Bernard comme moine de vertu éminente, qui mentionne le nom du novice Guerric dans plusieurs lettres.
Abbé d’Igny
En 1138 Guerric devient abbé d’Igny, une fondation de Clairvaux dans le diocèse de Reims. Il en est le deuxième abbé. Même s’il est ‘régulièrement’ élu par la communauté (comme le veut la Carta Caritatis), il semble bien que l’influence de Saint Bernard n’ait pas été pour rien dans le choix fait par la communauté d’Igny.
S’il a une grande expérience spirituelle, d’abord comme ermite ensuite comme disciple de Saint Bernard à Clairvaux, Guerric n’en est pas moins assez âgé – sans doute plus de 60 ans – et se lamente dans un de ses sermons de ce que sa condition physique chancelante ne lui permet pas de participer pleinement au travail manuel communautaire que demande la règle de saint Benoît.
L’abbaye d’Igny est florissante sous la direction de l’abbé Guerric ; son prestige religieux personnel est grand. Certains de ses écrits circulent. Les vocations affluent, des dons sont reçus et une nouvelle fondation monastique est faite : c’est l’abbaye de Valroy en 1148, dans le diocèse de Reims.
Guerric meurt dans son abbaye le 19 août 1157. En 1876, lors de la restauration d’Igny son corps est exhumé et identifié. Son culte, de temps immémorial dans l’ordre de Cîteaux, est officiellement reconnu par l’Église en 1889. Liturgiquement la fête du Bienheureux Guerric d’Igny se célèbre le 19 août.
Ecrits et doctrine
Seuls 54 sermons (un genre littéraire prisé à son époque) de Guerric d’Igny nous sont parvenus. Ils sont publiés dans la Patrologie latine de Migne. Il semble que par respect pour une décision du chapitre général des cisterciens (en 1151 ?) Guerric ait fait brûler le volume de ses sermons. Ceux qui circulaient déjà hors du monastère d’Igny nous sont parvenus.
Les sermons eurent une grande influence dans le développement de la spiritualité cistercienne et furent réimprimés de nombreuses fois, jusque et y compris durant le XXe siècle.
Dans la ligne de Saint Bernard, son maître spirituel, Guerric développe une forte spiritualité mariale :
Marie nous régénère. Telle est sa maternité spirituelle : « Marie forme son Fils unique en tous ceux qui sont fils par adoption » Elle est la nouvelle Eve qui donne une nouvelle vie à ceux qui étaient devenus vieux par le péché.
Marie est image de l’Église : cette maternité est celle de l’Église qui pareillement exerce sa maternité à notre égard.
Plus étonnant et audacieux : nous avons à partager la maternité de Marie par rapport à son Fils. Marie est type de l’âme : « l’Enfant-Jésus est né non seulement pour nous mais en nous. Nous avons à ‘concevoir’ Dieu en notre cœur » (sermon de la Nativité).
Bibliographie
Louis Bouyer: La spiritualité de Cîteaux, Paris, 1955. Plusieurs articles dans la COCR, vol. 19, 1957. Thomas Merton: The Christmas sermons of Blessed Guerric d’Igny, Gethsemani Abbey (USA), 1959. John Morson: Article Guerric d’Igny dans Dictionnaire de Spiritualité, vol.VI, col.1113-1122, 1965. Annie Noblesse-Rocher: L’expérience de Dieu dans les sermons de Guerric d’Igny, Paris, Cerf, 2005 Bernard-Joseph Samain: Guerric d’Igny Sermons Lus par Bernard-Joseph Samain, Paris, Cerf, 2011(Source Wikipedia)
Guerric d’Igny : « Sermons pour l’Année liturgique »
« Abbé du monastère cistercien d’Igny, près de Reims, de 1138 à 1157, Guerric a laissé un ensemble de cinquante-quatre sermons consacrés aux principales fêtes de l’année liturgique ainsi qu’aux grandes fêtes des saints.
Ces textes, d’une belle richesse biblique et d’une vraie qualité littéraire, se tiennent au plus près de la fête célébrée pour en déployer les beautés. Guerric invite l’auditeur à admirer le mystère puis à imiter la conduite que celui-ci nous propose, c’est-àdire à s’en inspirer dans notre vie et notre engagement spirituel.
Dans la ligne des auteurs patristiques, Guerric nous offre une œuvre à la fois liturgique, théologique, morale et spirituelle. Et il le fait avec sa touche propre, faite de simplicité et de poésie. Le père abbé d’Igny excelle à faire chanter la réalité célébrée en chacune des fêtes de l’année et à faire vibrer les cœurs. »
(source : http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/fichelivre.asp?n_liv_cerf=9427
Ces sermons pour l’année LITURGIQUE , nous ramènent encore une fois à mon travail précédent concernant les « Grandes Ô de l’avent » et le texte latin ( et Marial) des « Centuries »… ???
Guerric nous reconduit également en « nos » terres de Belgique, sur le « Dernier chemin des Templiers » (Rudy Cambier)…
Intervention de Martin Laramée sur FB (l’article présentait un livre – erreur de livre présenté…)
En sommes-nous si surs? L’erreur d’image renvoie à une parenté – à mon humble avis – aux affinités des deux contemporains que furent Robert de Molesmes et Milarépa. C’est Jean-André Nisole qui l’indique avec justesse dans son Milarépa – un Cheminement, Cahiers Cavalli di San Marco no 3, 2014, pp. 6-9, voici le texte : « En ce fameux temps-là, près de Troyes – dans une famille riche et noble, nous disent les textes les plus anciens – naît un cadet, Robert, le futur Robert de Molesmes (c.1029-1111). Ses parents sont Ermengard et Theodoric (Thierry) – on sent encore, à l’époque, les racines franques, donc germaniques, dans les noms de personnes.
Peu avant sa quinzième année, Robert entra dans un monastère de la région, au Moutier-la-Celle. On disait alors moutier ou moustier pour désigner le monasterium (latin classique, dérivé du grec) ou monisterium (latin populaire). Il semble que, dès son entrée au moutier, Robert avait ressenti l’appel à la vie spirituelle la plus recueillie – et, donc, la plus rigoureuse. Toutefois, il se soumit aux demandes des moines ainsi qu’aux ordres du pape. Car, très tôt, ses qualités avaient été remarquées.
Il fut donc prieur et abbé. Il fonda le monastère de Molesmes (ou Molesme) – en fait, non un simple moutier mais presque un ordre monastique. Toutefois, sans cesse il quitta fondation et fonctions, pour aller vers les ermites, vers la forêt, la nature sauvage… Plus tard, on verra en lui un être instable. Il le fut sans doute – mais de noble façon.
En 1098, trois ans avant sa mort, il fonda un autre monastère, dans un lieu sauvage, à quelques lieues de Dijon, en Bourgogne. Il était suivi par une vingtaine de disciples, qui tenaient cet ascète non seulement pour un maître selon la hiérarchie monastique – il l’était –, mais encore, mais surtout pour un maître spirituel, pour un maître de vie. Robert crut donc fonder enfin un humble monastère à l’abri des corruptions, dans un lieu inhospitalier, un marais où poussaient joncs et roseaux. Des cistels, disait-on à l’époque. Cîteaux s’appellera ce lieu. La mort épargna à Robert l’enrichissement démesuré de ses Cisterciens9 (il avait déjà souffert de celui de Molesmes) – comme elle sera miséricordieuse pour François d’Assise, il Poverello, quelque cent quinze ans plus tard…
*
Peu de temps avant l’entrée du jeune Robert au moutier, à l’autre bout du monde, dans une famille riche et puissante naissait le fils de Mila Shérab Gyaltsen et de « la ravissante » Karmo Gyen : Mila Thöpaga – nom qui n’est pas sans évoquer l’euangelion grec (qui a été calqué par « évangile », et traduit littéralement par le vieil anglais gôd spel)…
L’enfant deviendra célèbre sous le nom de Milarépa, Mila porteur de coton (1040-1123). C’est-à-dire : Mila si puissant dans son ascèse et son recueillement, qu’il ne se vêt que de coton, été comme hiver, dans l’un des climats les plus rudes du monde.
Milarépa refusa toujours de devenir moine, voyant toutes les dérives du monde monastique : ses richesses, ses orgueils, ses vanités, ses jalousies… Il ne porta donc jamais la robe safran ou rouge, mais le blanc des ascètes, des ermites méditants – autre signification du répa.
Vingt ans avant que Robert de Molesmes ne fonde Cîteaux, Milarépa se soumit corps et âme à Marpa Lotsâva (le Traducteur), connu encore sous le nom de Mar-pa du Lhodrak (la région méridionale du Tibet où il était né). Celui-ci deviendra son lama (tib.), son guru (sk.) bien-aimé. Milarépa a trente-huit ans. « Je suis resté six ans et huit mois aux pieds de ce père, incarnation d’un Buddha. » À l’âge de quarante-cinq ans (en 1085, selon les dates retenues ici), Milarépa devint donc un yogi errant, un méditant au recueillement extraordinaire. Pendant près de quarante ans, avec amour, il dispensera son enseignement à celles et ceux qui s’approchaient de lui.
Il réussit ce que Robert de Molesme avait recherché toute sa vie, entravé par les circonstances et par l’autoritarisme romain. Et peut-être aussi par un certain manque de courage. Le courage extrême de l’ermite, qui dénoue toutes les entraves, largue toutes les amarres. Mais « celui d’entre [nous] qui est sans faute, qu’il jette le premier une pierre sur [lui] ! »
Jean, 14 8.7.
Toutefois, notre faiblesse et nos fautes ne doivent pas nous aveugler. La Voie tracée par Milarépa exige ce courage extrême. Non pas la réussite dans l’entreprise courageuse – ce serait absolument décourageant ! Mais le désir de ce courage et la tension vers ce courage, l’engagement dans ce courage.
Milarépa mourra en 1123, alors que le cistercien Bernard était devenu abbé du nouveau moutier de clara vallis, claire vallée, Clairvaux – monastère fondé quelques années auparavant à la demande d’Étienne Harding, abbé de Cîteaux.
Réformateur, fondateur de l’ordre de Clairvaux, Bernard offre un contraste saisissant avec Milarépa. On ne saurait, en effet, être plus engagé que lui dans les affaires du monde : il régente même le pape… Et pourtant, il fut un spirituel authentique – exploit remarquable, sans doute unique dans l’histoire de l’Église romaine ! Il sera donc mal compris par les générations ultérieures, qui en feront un « conservateur» ou, plus agressivement, un « antimoderne ».
Mais voilà : quand il s’agit de la réalisation de nos plus hautes potentialités, nous sommes obligés de constater qu’il n’y a pas de méthode exclusive, seulement des chemins possibles. Le chemin de Milarépa n’est pas celui de Bernard ni même celui de Marpa, son lama bien-aimé, lui aussi très engagé dans les affaires du monde…
Nous ne pouvons choisir ni notre chemin ni notre maître comme nous choisirions un produit dans un magasin ou dans un catalogue. Le maître et le parcours sont des avènements. Rencontres ou fruits d’une rencontre…» (Texte disponible en Pdf sur demande) Martin.G.Laramée.
Francis
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