Complément pour : “Le Linceul de Turin” (22)
Chap. 2 : Les premières icônes du Christ (et de la Vierge Marie)
« …La tradition de l’Eglise affirme que la première icône du Christ apparut pendant Sa vie terrestre. C’était l’image qu’on appelle en Occident « la Sainte Face », et dans l’Eglise orthodoxe « l’image non faite par la main de l’homme » (acheiropoiètos).
L’histoire de la provenance de cette première image du Christ nous est transmise par des textes du service liturgique en son honneur, le 16 août. Ainsi, « ayant représenté Ton très pur visage, Tu l’envoyas au fidèle Abgar qui avait désiré Te voir, Toi qui, selon Ta divinité, es invisible aux chérubins » (stichère ton 8 aux vêpres)1. (1) : Abgar V Oukhama, prince d’Osroène, petit pays entre le Tigre et l’Euphrate, avait pour capitale la ville d’Edesse (maintenant Orfou ou Rogaïs). Notons en passant que la chronique de cette ville mentionne l’existence d’une église chrétienne considérée comme ancienne en l’an 201 où elle fut détruite par une inondation. Le royaume d’Edesse fut le premier Etat du monde à devenir un etat chrétien (entre 170 et 214 sous le roi Abgar IX).
Un stichère des matines (ton 4) dit : « Tu envoyas des lettres tracées de Ta main divine à Abgar qui demandait le salut et la santé qui viennent de l’image de Ton divin visage. » D’une façon générale et surtout dans les églises dédiées à la Sainte Face, les allusions à l’histoire d’Abgar sont fréquentes dans le service liturgique de la fête. Mais elles ne parlent que du fait lui-même, sans entrer dans les détails 2. (2) : Un récit plus détaillé nous est fourni par la Ménée du mois d’août. Il se résume à ceci : le roi Abgar, lépreux, envoya auprès du Christ son archiviste Hannan (Ananias) avec une lettre dans laquelle il demandait au Christ de venir à Edesse et de le guérir. Hannan était peintre et, au cas où le Christ refuserait de venir, Abgar lui recommanda de faire le portrait du Seigneur et de le lui apporter. Hannan trouva le Christ entouré d’une grande foule ; il monta sur une pierre d’où il pouvait mieux Le voir. Il essaya de faire Son portrait, mais il n’y parvint pas « à cause de la gloire indicible de Son visage qui changeait dans la grâce ». Voyant qu’Hannan désirait faire Son portrait, le Christ demanda de l’eau, Se lava, essuya Son visage avec un linge et sur ce linge Ses traits restèrent fixés. Il remit le linge à Hannan pour le porter avec une lettre à celui qui l’avait envoyé. Dans Sa lettre le Christ refusait d’aller Lui-même à Edesse ; Il promettait à Abgar, une fois Sa mission terminée, de lui envoyer un de Ses disciples. Quant il eut reçu le portrait, Abgar guérit du plus grave de sa maladie, mais garda encore quelques atteintes au visage.Après la Pentecôte, ce fut l’apôtre saint Thaddée, un des 70, qui vint à Edesse, acheva la guérison du roi et le convertit. Abgar fit enlever une idole qui se trouvait au-dessus d’une des portes de la ville et y plaça la sainte image. Mais son arrière-petit-fils revint au paganisme et voulut la détruire. L’évêque de la ville la fit alors murer après avoir placé devant elle, à l’intérieur de la niche, une lampe allumée. Avec le temps la cachette fut oubliée, mais elle fut redécouverte au moment où le roi des Perses, Chosroès, assiégeait la ville en 544 ou 545. La lampe était toujours allumée devant elle. Non seulement l’image était intacte, mais elle s’était imprimée sur la face interne de la tuile qui la masquait. En souvenir de cet événement nous avons maintenant deux types d’icônes de la Sainte Face : l’une où le visage du Seigneur est représenté sur un linge, l’autre où il n’y a pas de linge, mais la Sainte Face telle qu’elle s’était imprimée sur la tuile (Keramion, en russe « tchrépiyé »). Tout ce qu’on sait de cette icône sur la tuile, c’est qu’elle se trouvait à Hiérapolis (Mabbough) en Syrie. L’empereur Nicéphore Phocas (963-969) l’aurait transportée à Constantinople en 965 ou 968.
Quand aux auteurs anciens, ils ne font, jusqu’au Ve siècle, aucune allusion à l’image de la Sainte face, probablement parce qu’elle était encore murée et son existence oubliée. La mention la plus ancienne que nous possédions se trouve dans le document qu’on appelle la Doctrine d’Addaï. Addaï était un évêque d’Edesse (+ 541) qui, dans son ouvrage (si du moins cet ouvrage est authentique), utilise sans doute une tradition locale ou des documents que nous ne connaissons pas. Le plus ancien auteur non contesté qui mentionne l’icône envoyée à Abgar est Evagre (VIe siècle) ; dans son Histoire ecclésiastique3 (3) : IV, 27. P.G. 86, 2745-2748.
il l’appelle le portrait, « l’icône faite par Dieu » (theoteuktos eikôn).
Quant à l’original de l’icône, c’est-à-dire le linge même avec le visage du Seigneur imprimé dessus, il fut longtemps conservé à Edesse comme le trésor le plus précieux de la ville. Il était largement connu et vénéré dans tout l’Orient et, au VIIIe siècle, les chrétiens célébraient en beaucoup d’endroits sa fête à l’exemple de l’Eglise d’Edesse4. (4) : Plus tard, à Edesse même, à partir de 843, cette fête coïncidait avec celle du Triomphe de l’Orthodoxie.
Au cours de la période iconoclaste, caint Jean Damascène mentionne l’image miraculeuse et en 787 les Pères du Septième Concile Œcuménique s’y référèrent à plusieurs reprises. Léon, lecteur de la cathédrale de Sante-Sophie à Constantinople, qui assistait à ce Concile, raconta qu’il avait vénéré la Sainte Face pendant son séjour à Edesse5. (5) : MansiXIII, 169, 190 sq., 192. A. Grabar La Sainte Face de la cathédrale de Laon, Seminarium Kondakovianum, Prague, 1930, p. 24, en russe.
En 944, les empereurs bzantins constantin Porphyrogénète et Romain Ier achetèrent la sainte icône à Edesse. Elle fut transportée à Constantinople en grande pompe, placée dans l’église de la Vierge du Pharos et l’empereur Constantin Porphyrogénète la célébra dans un discours comme palladium de l’empire. C’est probablement à cette époque que remonte, au moins en partie, le service liturgique de la fête, célébrée le 16 août, du Transfert de la Sainte face à Constantinople. Après le sac de Constantinople par les croisés en 1204, les traces de cette icône se perdent 6. (6) : Nous ne parlons ici que des icônes qui sont actuellement fêtées liturgiquement par l’Eglise. Mais les sources historiques mentionnent plusieurs icônes de la Sainte Face qui, aux VIe et VIIe siècles, jouèrent un grand rôle, surtout dans la guerre des Byzantins avres les Perses. Certaines d’entre elles remplaçaient le labrarum (voir A. Grabar, l’Iconoclasme byzantin, Paris, 1957, pp. 30 et ss.). Il existe aujourd’hui en Géorgie une icône de la Sainte Face peinte à l’encaustique qui remonte au VIe ou VIIe siècle (voir Amiranachvili, Istoriya grouzinskogo iskousstva, Moscou, 1950, p. 126).
Il existe en France une icône célèbre de la Sainte Face, conservée maintenant dans la sacristie de la cathédrale de Laon. D’origine balkanique, peut-être serbe, et remontnat au XIIe siècle, cette icône fut envoyée de Rome en France en 1249 par Jacobus Pantaleo Tricassinus, futur pape Urbain IV, à sa sœur, abbesse du couvent des Cisterciennes de Monasteriolum (Montreuil-les-Dames, diocèse de Laon)7. (7) : Le XVe siècle vit apparaître la légende de sainte Véronique représentée tenant unlinge où s’est imprimée la Sainte face. L’histoire de sainte Véronique a plusieurs versions ; la plus connue est celle qui est généralement représentée dans le chemin de croix inventé par les Franciscains (IVe station) : lorsqu’on menait le Christ au Golgotha, une femme nommée Véronique essuya Sa sueur avec un linge sur lequel Son visage resta imprimé. (Voir à ce sujet l’article de Paul Perdrizet dans Seminarium Kondakovianum, t. V, Prague, 1932, pp. 1-15).
La fête de la Sainte face est nommée, dans le service liturgique, « Le transfert d’Edesse à la Ville de Constantin de l’image non faite par la main de l’homme de Notre-Seigneur Jésus-Christ, image qu’on appelle le saint linge ». Toutefois, la liturgie de ce jour est loin de se limiter à la simple commémoration du transfert de l’image d’un endroit à un autre. L’essentiel de ce service est le fondement dogmatique de l’image et sa destination.
Le sens de l’expression « image non faite par la main de l’homme » apparaît à la lumière de Marc 14, 58 : cette image, c’est avant tout le Verbe incarné Lui-même qui Se fait voir dans « le temple de Son corps » (Jn 2, 21). A partir de ce moment la loi de Moïse interdisant les images (Ex 30, 4) perd son sens, et les icônes du Christ deviennent autant de témoignages irréfutables de l’incarnation de dieu 8. (8) : Voir V. Lossky, « Der Heiland Acheiripoietos », dans L. Ouspensky-V. Lossky, Der Sinn der Ikonen, Bern und Olten, 1952, p . 69.
Il ne s’agit pas d’une image créée suivant une conception humaine ; elle représente le visage authentique du Fils de Dieu devenu Homme, et provient, suivant la Tradition de l’Eglise, d’un contact immédiat avec Son Visage. C’est cette première image de Dieu devenu Homme que l’Eglise vénère le jour de la Sainte Face.
Nous avons vu que les stichères cités plus haut, ainsi que d’autres textes liturgiques, soulignent la provenance historique de l’image. C’est qu’il est essentiel qu’il ne s’agisse pas d’un « Christ universel », d’une personnification, ni d’un christ abstrait symbolisant quelque idée sublime. Il s’agit, en effet, essentiellement d’un Personnage historique qui vécut à un endroit déterminé, à une époque précise. « Rétablissant dans sa dignité première l’image d’Adam déchue, entendons-nous dans un stichère de la fête (2e stichère, ton 1, petites vêpres), le Sauveur indescriptible dans son essence vécut sur la terre avec les hommes, visible et saisissable. »
Mais ce qui a une importance particulière pour notre étude, ce sont les lectures scripturaires de la liturgie. L’ensemble de ces lectures révèle le sens de l’événement que l’on célèbre ; dégageant d’abord ses préfigurations bibliques, elles exaltent son accomplissement dans le Nouveau Testament et soulignent sa portée eschatologique. Or le choix de ces textes révèle ce que nous savons déjà par les œuvres de saint Jean Damascène, c’est-à-dire la façon dont l’Eglise comprend l’interdiction de l’ancien testament, le sens de cette interdiction et son but, ainsi que le sens et le but de l’image néo-testamentaire.
Nous trouvons d’abord les trois parémies des vêpres : deux sont tirées du deutéronome (première : chap. IV, vv. 6-7 et 9-15 ; deuxième : chap V, vv. 1-7 ; 9-10 ; 23-26 ; 28 ; chap. VI, vv. 1-5 ; 13 et 18) et la dernière du IIIe Livre des Rois (dans la Bible héraïque c’est le Ier Livre des Rois), chap. VIII, vv. 22-23 et 27-30 9. (9) : Nous prenons ces lectures directement dans la Bible et non dans la Ménée où elles ont été abrégées et où certains passages importants pour le sens de l’image ont été omis.
Les deux premières parémies parlent de la révélation sur le Mont Horeb de la loi au peuple d’Israël, juste avant l’entrée du peuple élu dans la Terre Promise. Le sens de ces parémies se résume par le fait que, pour entrer dans cette Terre Promise et pour la posséder, il est indispensable d’observer la loi révélée et d’adorer le seul vrai Dieu, d’une adoration sans compromis, sans partage, sans aucune possibilité de mélange avec le culte d’autres « dieux ». Il est rappelé en même temps qu’il est impossible de représenter Dieu quidemeure invisible : « Vous avez entendu la voix de Ses paroles, mais vous n’avez pas vu d’image, seulement la voix » et : « Veillez bien sur vos âmes, car vous n’avez vu aucune ressemblance », etc. Autrement dit, la loi dans son ensemble et l’interdiction, en particulier, d’adorer d’autres « dieux » et celle de l’image sont une condition indispensable pour la réalisation de la promesse divine faite au peuple élu de son entrée dans la terre Promise. Or, la Terre Promise est aussi une préfiguration : elle est une image de l’Eglise, du Royaume de Dieu.
La troisième parémie est, elle aussi, une préfiguration de la révélation néotestamentaire : C’est la prière de Salomon à la consécration du Temple construit par lui : « Dieu habiterait-Il parmi les hommes sur la terre ? dit Salomon, alors que le ciel et les cieux des cieux ne Te contiennent pas, combien moins ce Temple que j’ai créé en ton Nom… » Il s’agit ici de la venue future de Dieu sur la terre, de sa participation au courant de l’histoire humaine dans le temps, de la présence dans un Temple terrestre, construit par l’homme, de Celui auquel « le ciel du ciel ne suffit pas ».
La signification de ces parémies est précisée par l’Epître lue pendant la liturgie. C’est l’Epître de saint Paul aux Colossiens, chap. I, vv. 12-18 : « Rendez grâces au Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière, qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le Royaume du Fils de Son amour, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés. Il est l’image du dieu invisible, le premier-né de toute la création », etc. Ce texte, nous le voyons, révèle l’accomplissement de la prophétie : « L’héritage des saints », le « Royaume du Fils de son amour », c’est l’Eglise, dont l’antique Terre Promise était l’image. Ainsi tout le développement de l’ancien Testment qui défendait la pureté du peuple élu, toute l’histoire sacrée d’Israël apparaissent comme un processus providentiel et messianique, comme une préparation de l’apparition sur la terre du Corps du Christ, l’Eglise néotestamentaire. Et dans ce processus préparatoire, l’interdiction de l’image mène à l’apparition de Celui qui avait été invisible, à « l’image du dieu invisible » révélée par le Dieu-Homme, Jésus-christ. Dans la liturgie de la fête nous entendons : « Moïse Jadis, l’ayant demandé, put contempler la gloire divine obscurément, par derrière ; mais le nouvel Israël à présent Te voit clairement face à face » (2e tropaire de la 4e ode du canon).
Examinons enfin l’évangile lu le jouor de la sainte Face, le même aux matines et à la Liturgie. C’est celui de Luc, chap. IX, vv. 51-56 et chap. X, vv. 22-24 : « Lorsque le temps où Il devait être enlevé du monde approcha, Jésus prit la résolution de se rendre à Jérusalem. Il envoya devant Lui des messagers qui se mirent en route et entrèrent dans un bourg des Samaritains, pour Lui préparer un logement. Mais on ne Le reçut pas parce qu’Il se dirigeait vers Jérusalem. Les disciples Jacques et Jean, voyant rla, dirent : « Seigneur, veux-Tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume, ainsi que le fit Elie ? », Jésus se tourna vers eux et les réprimanda, disant : « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Car le Fils de l’home est venu non pour perdre les âmes des homes, mais pour les sauver ». Et ils allèrent dans un autre bourg. Et le Christ se tournant vers ses disciples, dit : « Toutes choses M’ont été données par Mon Père et personne ne connaît le fils, si ce n’est le Père, ni le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le fils veut le révéler ». Et se tournant vers les disciples, Il leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car Je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu ». »
Comme nous le voyons, en ce qui concerne l’image, le sens de l’Epître et de l’Evangile, d’une part, et celui des deux premières parémies, d’autre part, est opposé. Autrefois c’était : « Vous n’avez pas vu l’image de Dieu » ; à présent : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez », c’est-à-dire qui voient « l’image du dieu invisible », le Christ. C’est pourquoi les dernières paroles de ce texte évangélique sont adressées aux seuls Apôtres. En effet, non seulement les disciples, mais tous ceux qui l’entouraient voyaient l’homme Jésus. Mais seuls les Apôtres, dans ce Fils de l’homme, sous cette « forme d’esclave », voyaient le Fils de Dieu, « l’éclat de la gloire du Père ». Saint Jean Damascène, nous l’avons vu, comprend ces dernières paroles de l’Evangile comme l’abolition de l’interdiction biblique, abolition dont l’aspect visible pour nous est l’image du Christ que nous fêtons. « Jadis Tu as été vu par les hommes, et maintenant Tu apparais dans Ton image non faite par la main humaine » (2e tropaire de la 1re ode du Canon).
Le premier passage de l’évngile (Lc 9, 55-56) souligne ce qui distingue les apôtres du monde, c’est-à-dire ce qui distingue l’Eglise du monde : l’esprit et les méthodes qui lui sont propres et qui ne sont pas ceux du monde. (Rappelons que c’est cette différence qui détermine les moyens d’action de l’eglise, en particulier son art). Si les parémies montrent le but de l’interdiction de l’image, l’Evangile par contre révèle la destination de l’image. Notons aussi que cette différence qu’il y a entre l’esprit et les méthodes des Apôtres et du monde est démontrée par le Christ juste avant son entrée à Jérusalem. Commençant par les parémies et à travers les lectures néotestamentaires, nous voyons comme une croissance de la révélation : l’Ancien Testament est une préparation du Nouveau Testament, la Terre Promise où va l’antique Israël est une image de l’Eglise néotestamentaire. Le Nouveau Testament est la réalisation de ces préfigurations préparatoires. Mais le Nouveau Testament n’est pas le but final : il n’est que l’étape suivante sur le chemein vers le royaume de Dieu. Or, dans l’Ancien Testament la confession du vrai Dieu et l’absence de Son image étaient une des conditions essentielles pour que le peuple puisse entrer dans la terre Promise et la posséder. Dans le Nouveau Testament, à son tour, la confession du Christ et de son image, la profession de notre foi par cette image, jouent un rôle analogue : c’est aussi une condition essentielle pour entrer dans l’eglise et, par l’eglise, dansd le royaume de Dieu, dans cette Jérusalem céleste où l’eglise nous mène. C’est pourquoi ce passage de l’evangile est lu précisément le jour où l’eglise célèbre l’icône de la Sainte Face. C’est le Christ Lui-même qui mène Ses Apôtres à Jérusalem. Quant à nous, c’est Son image qui nous mène dans la Jérusalem céleste. Voici ce que nous entendons à ce sujet dans la liturgie de la fête : « Nous Te célébrons, toi qui aimes les hommes, en regardant l’image de ton aspect corporel ; par elle accorde à Tes serviteurs, ô Sauveur, d’entrer sans obstacles dan sl’Eden » (stichère ton 6).
Ainsi, par le choix de ces lectures, l’Eglise déploie devant nous un immense tableau : elle nous montre le lent et pénible cheminement du monde déchu vers la rédemption promise.
Ainsi l’Eglise affirme l’existence d’images authentiques du Christ ; ces images ont existé dès le début. Nous en avons d’ailleurs aussi un témoignage historique. Ce témoignage est d’autant plus précieux qu’il provient du seul auteur antique qui soit indiscutablement iconoclaste : l’historien de l’Eglise, Eusèbe, évêque de Césarée. Il affirme non seulement l’existence d’images chrétiennes : « Il pense même qu’à son époque il existe encore de vrais portraits du christ et des Apôttres, il dit les avoir vus lui-même 10 ». (10) : Ch. Von Schönborn, L’icône du christ. Fondements théologiques, Fribourg, 1976, p. 75.
En effet, après une description de la fameuse statue élevée par l’hémoroïsse dont nous connaissons l’histoire par l’évangile (Mt 9, 20-23 ; Mc 5, 25-34 ; Lc 8, 43-48), Eusèbe continue : « On disait que cette statue reproduisait les traits de Jésus ; elle a subsisté jusqu’à nous, de sorte que nous l’avons vue nous-mêmes lorsque nous sommes allés dans cette ville. Il n’y a rien d’étonnant à ce que des païens d’autrefois qui avaient reçu des bienfaits de la part de notre Sauveur aient fait cela, alors que nous avons vu (observé – historèsamen) des images des Apôtres Pierre et Paul et du Christ Lui-même qui ont été conservées par le moyen des couleurs dans des tableaux : c’était naturel, car les anciens avaient coutume de les honorer de cette manière sans arrière-pensée comme des sauveurs, selon l’usage païen qui existait chez eux11 ».
Eusèbe, répétons-le, ne peut guère être suspect d’exagération, car le courant théologique auquel il appartenait était loin d’approuver les faits qu’il relate ici »…
In « La théologie de l’icône », Léonide Ouspensky, Editions du CERF, Patrimoines orthodoxie, Paris, 2007, pp. 25-35.
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